La fin de Papa Outang : pourquoi on a failli tout arrêter
Depuis presque 3 ans, on bataille avec Loïc pour faire de Papa Outang un outil concret pour lutter contre la déforestation. On est convaincus, qu’avec vous, nous pouvons bâtir une anti-marque capable de grappiller la place qu’occupe Nutella dans les rayons.
Plus qu'un simple produit, nous avions déjà en 2019 la volonté de réunir une tribu engagée autour de notre combat pour sauver la forêt des orangs-outans. Je me souviens encore de la pétition lancée en novembre 2019, et signée par près de 1500 personnes en moins d'une semaine... Nous n’aurions jamais pu imaginer qu’une simple idée pouvait toucher autant de monde, en si peu de temps !
Quelques mois après le lancement de notre pétition, nos premiers sachets de Papa Outang sous le bras, nous avons très vite postulé pour rejoindre un incubateur à Paris. Avec Loïc, nous n'avions à l’époque aucune connaissance du secteur de l'agroalimentaire. Rejoindre un programme d’incubation était donc pour nous l’opportunité de nous entourer d’entrepreneurs expérimentés, afin de pouvoir prendre les bonnes décisions.
Nous voilà alors devant un jury pour pitcher Papa Outang. Après une rapide présentation du projet, un membre du jury qui est également directeur chez Coca-Cola, a pris la parole : "votre produit est trop simple, seulement 3 ingrédients... Et vous appelez ça de la recherche et développement ?".
Il est urgent de déboulonner les grandes marques
Dans l'agroalimentaire, on ne fait pas de recherche et développement pour réduire son impact sur la planète ou pour améliorer la santé des gens. Les grandes marques dépensent des sommes pharaoniques pour complexifier leurs recettes. Le plus souvent dans le but d'économiser sur les coûts de production, au détriment des valeurs nutritionnelles (comme pour les pâtes à tartiner industrielles trop grasses et trop sucrées), de la qualité des ingrédients ou des conditions de vie des travailleurs.
Pour nous, la simplicité d'une recette est une force. Notre obsession est de faire le ménage dans la liste des ingrédients, d'améliorer les qualités nutritionnelles des recettes, et de simplifier le processus de fabrication, afin qu'il y ait le moins d'étapes de transformation possible. Pour les géants de l’agroalimentaire, notre vision de la recherche et développement est une faiblesse. Une manière de penser incompatible avec leur course à l'ultra-rentabilité.
Mais vendre une pâte à tartiner à 6€ le kilo, ce n'est pas normal. C'est même dangereux. Parce que lorsqu'un produit est à ce prix en rayons, le coût réel est bien plus élevé :
- en tant que citoyen, je mange un produit trop gras et trop sucré. Avec en moyenne 50g de sucre et 30g de matières grasses pour 100g de pâte à tartiner, ce que je ne paie pas à la caisse, je le paie avec ma santé ;
- en tant que producteur de matières premières, mes prix sont toujours tirés vers le bas pour améliorer les marges des industriels. J'exploite alors des enfants à bas coût dans les plantations de cacao, de noisette et d’huile de palme intensives (le mois dernier un producteur d’huile de palme membre de la table ronde pour l’huile de palme durable depuis 2004 a été épinglé par des journalistes). J'utilise des produits chimiques pour améliorer mes rendements. C'est la loi du marché.
Lorsque le prix en rayon est trop bas, c'est toujours nous citoyens et citoyennes, en France ou à l'autre bout du monde, qui payons les pots cassés. Les maladies liées à la malbouffe coûtent déjà plus de 55 milliards d'euros par an à la France que nous payons avec nos impôts. Au rythme actuel du réchauffement climatique, auquel la déforestation ou l'exploitation humaine et animale participent largement, on estime le coût à 1.700 milliards de dollars par an d'ici 2025.
Vendre une pâte à tartiner à 6€ le kilo est criminel. Parce que détruire consciemment la santé des citoyens et affaiblir nos systèmes de santé est un crime. Parce que détruire nos écosystèmes et exploiter le vivant pour servir l'intérêt d'une poignée d'actionnaires est aussi un crime.
Devenir lisse, mourir à petit feu
Courant 2020, quelques mois après avoir postulé dans l’incubateur à Paris, l’histoire s'est répétée lorsque nous avons tenté de rejoindre un autre programme. Persuadés que allions l’intégrer, nous nous préparions déjà à recruter une petite équipe pour s’installer dans des bureaux. Mais cette fois, ce n’est pas la simplicité de notre recette qui a posé problème, mais notre ton jugé trop militant.
Dans l'agroalimentaire, il n'y a pas de place pour les activistes. Une marque doit plaire à tout le monde. Être lisse et surtout ne pas faire de vagues. Notre discours militant nous a porté préjudice pour rejoindre ce programme d'incubation réputé, pour approcher de potentiels investisseurs et a même fait peur à un grand nombre d’influenceurs. Alors depuis 1 an, nous avons lissé notre discours pour rentrer dans le cadre.
Sur le terrain, c’est toujours 25 orangs-outans qui meurent chaque jour à cause de la déforestation. 193 espèces animales toujours menacées d'extinction. Des enfants, encore et toujours, forcés de travailler dans les plantations de cacao, de noisette et d’huile de palme.
Les grandes marques continuent de sacrifier l’humain et la planète. Le temps manque pour protéger le vivant. L'heure n'est plus aux promesses et aux jolis discours, mais aux actions concrètes pour sauver tout ce qui peut encore l'être.
La bonne nouvelle c’est que partout dans le monde, des activistes se battent pour apporter des solutions concrètes à des problèmes concrets. En Indonésie, terre ravagée par les palmiers à huile, l’association Kalaweit exécute un plan d’action concret pour protéger (ce qu’il reste de) la forêt :
- acheter des parcelles de forêt avant les industriels de l'huile de palme avec l’aide des populations locales pour les transformer en réserves naturelles ;
- financer des équipements, comme des citernes d'eau, pour lutter contre les feux de forêts qui menace de brûler les réserves existantes.
Avec 1000€, on achète 10 000m2 de forêt. Avec 1800€, on achète une citerne d'eau. Imaginez un monde dans lequel les grandes marques arrêtent de financer leurs labels bidons, pour se retrousser les manches, et financer de tels projets. Beaucoup de problèmes écologiques et sociaux ne seraient plus que de lointains souvenirs !
Alors comment ne pas être révolté par l'inaction des grandes marques ? Comment ne pas dénoncer leurs opérations grotesques de greenwashing ? Leurs promesses creuses ? Leurs tromperies et leurs mensonges ?
Repousser sans cesse les limites
Si un oracle nous avait prédit toutes les galères qu'on allait rencontrer avec Loïc, on ne se serait sûrement jamais lancé dans l’aventure Papa Outang. Mais il fallait s'y attendre, parce que si détrôner le leader de la pâte à tartiner était si simple, cela ferait déjà un moment qu'il ne serait plus en rayons.
Ces derniers mois, Papa Outang a traversé une grosse crise existentielle. Nous avons dû faire face à multiples problèmes structurels. Des points bloquants qui auraient pu mettre un terme au projet, à quelques mois à peine avant d’arriver dans plusieurs grandes enseignes nationales :
- notre produit est trop cher. Pour s'imposer en rayons, le sachet doit être vendu autour de 3.5€ versus 4.95€ actuellement. Ce qui implique soit de retravailler la recette pour réduire le pourcentage de noisettes de 48% à 32% (ce qui reste au passage 2.5x fois plus que dans les pâtes industrielles), ou de nous tourner vers des ingrédients issus de l’agriculture conventionnelle. Pour Loïc et moi, il est hors de question d’abandonner nos producteurs bios et équitables. Nous avons donc choisi de remplacer une partie de nos noisettes par un ingrédient qui, en plus d’améliorer la texture, renforce les qualités nutritionnelles du produit.
- l'usage d’une pâte à tartiner "à faire soi-même" est autant une force qu'une faiblesse. Difficile d'attirer de nouveaux clients qui n’ont pas l’habitude de cuisiner. Pour élargir notre cible, toucher de nouvelles personnes, et donc sauver toujours plus de forêt, nous allons lancer un format de pot prêt à consommer complémentaire au sachet. Créer une pâte à tartiner sans huile et qui se conserve plusieurs mois est un véritable défi technique. Mais après des mois de recherche, nous sommes enfin prêts à commercialiser un pot prêt à consommer. Dans cette équation, le sachet deviendra “l’éco-recharge” du pot. Demain, Papa Outang sera la première pâte à tartiner à recharger (de l’univers !).
Le mois dernier, nous avons passé plusieurs jours aux côtés de Chanee, le fondateur de l'association Kalaweit. Il était de passage à Paris pour la sortie de son nouveau livre. Chaque jour il se bat en Indonésie pour protéger la forêt. Et pour lui chaque m2 sauvé est une victoire.
À l'heure où les rapports sur le climat nous rappellent sans cesse que le temps manque (ce qui est vrai), Chanee se concentre sur ce qu'il est encore possible de faire. Les manches retroussées, il continue de se battre depuis 20 ans pour sauver tout ce qui peut encore l'être.
Pour lui, pour son association, pour la forêt, pour vous, nous avons la responsabilité de surmonter nos problèmes, pour faire de Papa Outang une source de revenus stable pour l’association Kalaweit. Pour faire de Papa Outang un outil capable de sauver chaque année des milliers de m² de forêt.
Depuis début janvier, on travaille d'arrache-pied avec Loïc pour créer le Papa Outang 2.0. Une version du projet plus aboutie que jamais, qui sera capable de concurrencer sérieusement les industriels comme Nutella.
Et parce que nous ne voulons plus nous enfermer dans des discours lisses, nous préparons le retour en force de nos actions militantes. Notamment à travers une pétition qui, on l'espère, bousculera les grandes marques un peu trop addicts du greenwashing.
Encore merci pour votre indéfectible soutien. On vous donne rendez-vous dans deux semaines pour la présentation de notre nouveau format. Le combat pour sauver la forêt ne fait que commencer ✊
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